De nouvelles formes de reproduction, hybrides et fluides, remettent en question les normes sociales de vastes contextes géographiques, modifiant les notions communément acceptées de conception, de grossesse et de naissance. L'exposition Think Tank: REPRODUCTIVE AGENTS rassemble treize artistes visuels dont le travail examine les implications sociales, économiques et politiques de la façon dont différentes sociétés définissent et se rapportent au concept de reproduction. Synthétisant des perspectives scientifiques et spéculatives, ces propositions artistiques explorent la conception et la prise en charge d'une nouvelle vie à partir de paradigmes évolutifs qui voient l'activation de "l'agence reproductive". L'exposition présente des œuvres de 1940 à nos jours qui portent sur la reproduction sexuée et asexuée, les traitements de procréation assistée, les études de fertilité et hormonales, l'épigénétique et les technologies de reproduction, tant pour les humains que pour d'autres espèces, y compris des entités non vivantes. Les progrès de la médecine de la reproduction permettent de modifier le cours des processus biologiques, élargissant ainsi les limites des organismes qui donnent naissance à la vie. Pourtant, ce que Charles Darwin écrivait en 1862 résonne encore fortement : « Nous ne connaissons pas du tout la cause finale de la sexualité ; pourquoi de nouveaux êtres vivants seraient-ils engendrés par l'union de deux organes sexuels… Tout le sujet est plongé dans les ténèbres ». Les artistes exposés proposent des considérations sur l'origine de la vie de plusieurs manières, de la puissante énergie utilisée dans l'auto-génération d'une nouvelle vie, à l'expérience subjective de nourrir un corps autonome plein de désirs, de peurs et de pensées qui lui sont propres.

Deux artistes pionniers brouillent les frontières entre art et science et retravaillent le concept de reproduction sous des formes inédites. Depuis plus de cinq décennies, Lynn Hershman Leeson n'a cessé d'aborder les questions technologiques grâce à l'utilisation de l'intelligence artificielle et, plus récemment, de la biotechnologie et du génie génétique, en les reliant aux questions de genre et d'identité. Son premier dessin, Pregnant woman in Xray suit de 1965, a été inspiré par le fait d'avoir souffert d'une cardiomyopathie pendant la grossesse. Cette pathologie a contraint l'artiste à subir des procédures médicales d'isolement dans une tente à oxygène, et la prise de conscience conséquente de sa propre respiration l'a amenée à développer des figures cyborg interactives intitulées Breathing machines (1966-1967). Le travail de Shu Lea Cheang explore l'avenir cybernétique de la parentalité avec le développement de fœtus dans des utérus artificiels hors du corps (ectogénèse). Son installation vidéo 0 x 9 (2023) interroge le rôle de la science obstétricale dans le contexte d'une expérience technologique croissante de la reproduction humaine, spéculant sur les nouveaux types de liens qui pourraient naître grâce aux utérus artificiels. « Traiter un fœtus comme s'il était hors du corps d'une femme, le rendre visible, est un acte politique », écrit l'artiste. Comme l'a soutenu l'écrivain et philosophe Paul B. Preciado, "nous devons appliquer le principe de recombinaison culturelle à nos stratégies de production et de reproduction de la vie, afin de transformer nos technologies de pouvoir et de changement (politiquement)".