Antonio Ligabue apparaît absolument anormal parmi les peintres du XXe siècle. Dans sa violence, dans son expressivité animale, il ne peut que rivaliser avec Van Gogh, dont il peut être considéré comme une variante italienne. L'état mental dissocié de Ligabue l'a conduit à l'isolement, aggravant considérablement ses souffrances. Dans cette expérience de douleur, une seule consolation, une seule possibilité de rédemption pleinement explorée : l'art, qui permet d'échapper à la condition qui continue à être considérée comme une maladie. Pour Ligabue, l’art est un antidote au déséquilibre mental et le seul moyen de justifier la folie.

L'exposition d'Antonio Ligabue à Fermo est une anthologie de bêtes féroces luttant pour leur survie : une véritable jungle que l'artiste imagine avec une imagination hallucinée parmi les bois du Pô. La nature peinte par Ligabue est le théâtre d'une violence implacable. Pour Ligabue, être autodidacte signifie suivre son propre langage, instinctif, en dehors de l'académie. Être autodidacte est une condition nécessaire. Il s'agit, dès le début, d'une mêlée avec la toile, dans une dimension visionnaire, qui n'a rien à voir avec le surréalisme, et qui représente, à travers les archétypes de la forêt, de la jungle, de la terre des paysans, de la rivière, du vérité première d'un homme sans histoire. En réalité, avant l'histoire, libérer les instincts, les pulsions, les désirs et, plus encore, mimer le cri du tigre pour mieux le représenter, est une libération comme ce fut le cas pour les peintres-chasseurs des grottes de Lascaux.

Ligabue se mesure à ces images primordiales, hors du temps et hors de son temps. La force de l’homme se manifeste comme un instinct animal et bestial. Ce qui est absolument singulier chez Ligabue, c'est qu'il n'y a pas de source d'inspiration unique ni de transcription de modèles artistiques et littéraires. La peinture de Ligabue est née d'un besoin d'expression, à travers un imaginaire resté infantile. Sa seule source d'inspiration est le zoo, le monde des animaux en captivité, puis transféré au Pô. Ligabue vient du Pô et du zoo. L'inconfort est l'état psychologique de l'artiste, et l'inconfort est ce qui distingue l'artiste de ceux qui ne le sont pas. L'artiste sait qu'il est un artiste et comprend son mal-être comme une distinction.