Henri Matisse est l'un des plus grands artistes du XXe siècle, mais paradoxalement, une partie importante de sa production est encore méconnue. La figure du sculpteur Matisse est en effet méconnue dans les aspects les plus subtils de ses recherches. Bien que la peinture soit toujours restée sa principale modalité d'expression, « son » langage et la forme d'investigation du visible à laquelle il s'est consacré tout au long de sa vie, Matisse a mené simultanément une réflexion sur la sculpture (et aussi sur la gravure) qui fait de lui l'un des les artistes les plus complets du siècle dernier. Sa polyvalence explorait simultanément diverses techniques, avec curiosité et expérimentation vive. Sur fond de cette intelligence multiforme, l'œuvre sculpturale de Matisse révèle une vie parallèle à celle du coloriste, une âme double vouée à la matière, au volume, à l'espace, qui mérite d'être mise en relation - en termes de processus et de finalités - avec celle de d'autres grands sculpteurs du XXe siècle, héritiers de la leçon d'Auguste Rodin et devenus des génies de l'avant-garde. De Brancusi à Giacometti, de Boccioni à Wotruba.

Pour la première fois en Italie, le Musée MAN consacre aujourd'hui une exposition à la sculpture d'Henri Matisse. Le projet d'exposition, commissaire de Chiara Gatti, relit et adapte aux espaces du musée sarde, le concept nouveau et complexe de l'exposition Matisse Métamorphoses organisée en 2019 par le Kunsthaus de Zurich et le Musée Matisse de Nice. Un projet destiné à repenser Matisse, à reconsidérer le rôle de son œuvre dans le panorama artistique de la première moitié du XXe siècle, à la lumière d'une recherche esthétique plus large qui voit la sculpture comme le véhicule de solutions formelles nouvelles et révolutionnaires. Dans cette perspective nécessaire, il ressort que la figure humaine en particulier était le thème principal de sa tension vers la synthèse. A partir de l'investigation du corps, de la posture, du geste ou de la physionomie, Matisse développe une voie de réduction géométrique de l'image qui le conduit vers une abstraction à la limite du radical. Comme l'artiste le disait lui-même en 1908 dans ses Notes d'un peintre : « ce qui m'intéresse le plus, ce n'est ni la nature morte ni le paysage, c'est la figure ». La figure, non pas pour son pathos, son lyrisme, ses humeurs ou ses inflexions existentielles, mais pour son sentiment de présence dans l'espace et son évolution idéale dans le temps. En fait, Matisse interroge le corps dans sa relation avec l'environnement immédiat et avec les circonstances changeantes sur une longue période. Voilà donc l’évolution d’un fait naturaliste vers une synthèse finale qui sublime la contingence en une dimension de perfection absolue. L'espace conditionne, à son tour, un système de relations subtiles entre la substance physique et le vide habité, entre les gestes et les lignes dynamiques qu'ils dessinent dans l'air.