A l'occasion de la huitième année de collaboration avec l'ENSBA Lyon - École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, la Fondation Sandretto Re Rebaudengo accueille la première exposition personnelle en Italie de Tarek Lakhrissi, artiste participant au Post-Diplôme 2020 promu par l'ENSBA.

"Ceci ne m'appartient pas" présente un cycle de nouvelles productions conçues par l'artiste spécifiquement pour les espaces du Palazzo Re Rebaudengo di Guarene (CN). L'exposition explore le concept d'autodéfense, compris comme une pratique de résistance que différents groupes sociaux et corps subordonnés ont développé pour survivre. L'image clé du cycle d'œuvres est la salamandre : depuis les bestiaires médiévaux, on dit que cet amphibien est doté de poison et peut survivre dans les flammes du feu. Exposée, la salamandre devient le symbole d'un contre-pouvoir politique mais aussi sexuel qui, dans l'exercice de l'autodéfense, réécrit les codes de l'affrontement et de la rencontre. L'autotomie - l'auto-amputation des parties non vitales du corps, pratiquée par certains animaux comme une diversion contre leurs prédateurs - devient la tactique défensive identifiée par Lakhrissi pour imaginer de nouvelles stratégies de guerre urbaine.

Le parcours d'exposition de « Ceci ne m'appartient pas » se développe à partir d'une installation au plafond composée de chaînes en argent, talismans protecteurs au quotidien, qui rappellent aussi les outils de plaisir adoptés dans les pratiques BDSM. La salle suivante représente une scène différée dans laquelle le conflit ou l'acte sexuel a déjà eu lieu. L'espace est peuplé d'un ensemble de cinq sculptures en forme de queue de salamandre, grotesques et hors échelle : elles constituent un scénario onirique dominé de manière évocatrice par l'élément feu. L'environnement reflète une tension entre visibilité et absence, il assume le corps non pas comme une structure identitaire inaliénable, mais comme une plateforme en construction et déconstruction continue. L'autodéfense représentée par Lakhrissi est un processus de désidentification, cette « stratégie de survie et de subversion » selon José Esteban Muñoz, mais aussi et surtout une action de contre-offensive, semblable à celle décrite par Elsa Dorlin dans son « Se défendre : une philosophie de la violence » (2018) : « une autre sémiologie du corps militant qui ne joue pas sur l'exemplarité de son martyre, mais sur le caractère inexorable et inéluctable de sa revanche : qui ne s'inscrit pas dans une métaphysique des fins mais de l'immédiateté d'une grève".