À l'occasion du dixième anniversaire de la Sala Arazzi Ottavio Missoni, la Fondation Ottavio et Rosita Missoni présente la réinstallation de la première exposition personnelle d'Ottavio Missoni à la Galleria Navigliovenezia en 1975.

"Le charme des tissus Missoni, à un moment particulier de la renaissance du Liberty, réside dans la valeur matérielle qui accentue l'origine artisanale et aussi dans la couleur moyen-européenne. Missoni est de Zara, a travaillé dans la région dalmate et triestine, attiré dès sa première formation par les résonances sécessionnistes de Vienne, même s'il est depuis longtemps dans l'ombre en tant que stimulus critique mais vit encore dans l'atmosphère de tout l'environnement. Les variations en violet vert gris rose noir argent, avec de subtiles discordances froides, acquièrent une consistance presque tactile, plus évidente dans les esquisses où les vrais fils s'accumulent en assemblages matériels. 

Ce goût artisanal fait donc ressentir la prédominance de la main sur la machine : la main qui, au début, comme le suggèrent les racines, n'était pas dissociée de l'esprit : mànus mâ mà-nam esprit, comme la machine n'était pas dissociée de l'idée de magie, màchina mechanè-magh mago la machine-magicien. Pourtant, Missoni est un designer qui conçoit, dans des milliers d'esquisses, les motifs et les accords chromatiques des tissus, qui sont ensuite exécutés à la machine : mais avec une ingéniosité excentrique, il fait ressentir la valeur du tricot, comme s'il était fait à la main. En somme, il ne détruit pas les prémices artisanales, dans la trame souvent large, sans les pédanteries anonymes de la machine : la machine elle-même est pour Missoni, encore, une continuation de la main, machine-magicien, comme à l'époque où la révolution industrielle n'avait pas encore eu lieu. La palette, et aussi les dessins en noir, rappellent les tissus de Mackintosch, Klimt et l'École viennoise, mais aussi certains Klee et certains Kandinsky du Cavalier Bleu de Monaco : au début de son activité, il n'avait pas encore une conscience culturelle aussi claire qu'aujourd'hui, mais depuis des années dans l'environnement milanais, Missoni fréquente des artistes, des expositions, a pu mieux étudier les relations avec les sources qui ont stimulé en lui des affinités de sympathie. 

Il faut cependant dire que ses tissus ne restent pas un fait autonome, ils s'animent dans la coupe, dans l'invention des vêtements, qui ont donné une notoriété aux Missoni au-delà des frontières nationales : la correspondance du tissu avec la ligne du vêtement - tissu et ligne conçus par un même esprit (toujours soutenu par la collaboration active de Rosita) - confère à tout des accents originaux, désormais difficilement confondus. À une époque où les manifestations esthétiques se sont élargies jusqu'à déborder, cette valeur de la main-esprit et de la machine-magicien n'est pas un retour en arrière : c'est simplement une prise de conscience des possibilités que les prémices artisanales, dans une civilisation technologique, peuvent encore offrir avec naturel."