Au tournant des années 1940 et 1950, l'attention de Morandi se concentre de plus en plus sur quelques problèmes. En fait, l'objet devient pour l'artiste un moyen, un prétexte pour explorer les raisons profondes de la peinture. Comme on peut le constater en observant cette nature morte, dans les recherches morandiennes de ces années la connotation spatiale devient essentielle. La surface de pose des objets coïncide souvent avec la ligne infinie de l'horizon. Cela transforme l'espace en une entité de plus en plus indéfinie et mentale. La lumière, claire et diffuse, enveloppe les choses d'une atmosphère suspendue, comme si elles et les ombres se réduisaient progressivement jusqu'à disparaître ou, quelles que soient les lois physiques, devenir des taches de couleur de même consistance que les objets. Une autre source d'éloignement est parfois déterminée par la valeur relationnelle qui s'établit entre les objets. En fait, Morandi subvertit le mécanisme normal de la vision, et les objets en bas se profilent au premier plan, allant au-delà d'un balayage plausible basé sur des coordonnées proches/lointaines. La profondeur ne peut être suggérée que par une fine ligne oblique qui marque la surface de pose ou par la couleur, dans laquelle le murmure discret des gris, des blancs et des ivoires (Marilena Pasquali) peut être brisé par les assonances presque timbrales des oranges , roses et bleus. Dès lors, le concept de série émerge dans le procédé opératoire de Morandi, qui implique la répétition du même sujet, de sorte que dans la répétition l'attention de l'artiste se concentre sur ces différences sensibles de ton, de lumière, de point de vue, de taille.